1Il y a quelques décennies, Charles Picard résumait, à propos de la frise des Panathénées, le paradoxe que rencontre également le spectateur de la colonne Trajane : Les bas-reliefs qui composent cette décoration furent exécutés avec minutie : encore que placés haut, tellement qu’aucun œil moderne ne pourrait facilement les détailler aujourd’hui d’en bas, à l’Ouest où ils demeurent ! C. de Mourges frères Collection americana Digitizing sponsor Google Book from the collections of Harvard University Language Si l’on observe de plus près le vocabulaire employé, on s’aperçoit que Pline utilise à plusieurs reprises, pour décrire les marbres blancs, des qualificatifs liés à la lumière. 38Ce dernier paramètre mérite que l’on s’y arrête. 108De manière générale, les points forts des reliefs coïncident avec le dispositif architectural. Elle mesure 40 mètres de hauteur. Bref, nous voici devant un ensemble de reliefs dont la cohérence de conception et de réalisation ne fait pas de doute, et qui demande : à être confronté à l’environnement architectural et urbain de la Rome de Trajan, à titre d’élargissement et de vérification des conclusions tirées de l’étude de la seule frise historiée ; à être interprété, pour que s’en dégagent les valeurs de représentation qui, analysées et mises en système, décriront « l’idéologie trajanienne » ; enfin, à être confronté aux attentes du public romain, afin de mieux cerner les conditions de réception de ce système idéologique. Intégrale de la colonne Trajane 2 Frise de la colonne Trajane 2/6, bataille, raid des Daces, renfort de troupes. Packer 1992a, p. 70-71, Packer 1992b, p. 154-156 et p. 158-159, et enfin Lucrezia Ungaro et Marina Milella font de même (I luoghi del consenso imperiale 1995b, p. 16), mais voir en dernier lieu Ungaro 1995a p. 107, et Meneghini 2001a, p. 56, ou 2001b, p. 256. Elle le met aussi en situation de diriger ses regards vers le bas. Broneer 1965, p. 816, et Snodgrass 1965, p. 238-239, ne remettent pas en cause cette restitution, mais, à juste titre, la fonction d’échafaudage de ces étages lors de l’érection de la statue. 23 Hinard 1985, entre autres p. 23-29. Ressort alors ce constat surprenant : même limitées à 12 mètres de hauteur, ce sont les terrasses qui présentent le meilleur point de vue sur la frise, y compris pour les spires inférieures. ... Borba Grka i Amazonki, Skopas, frise du Mausolée d’Halicarnasse, 350 av. 79 Comme Kepler l’a mis en évidence seulement en 1604 : Simon 1981, et Simon 1988, p. 11. Ils divisent en effet la constitution de tout le corps en vingt-et-unes parties un quart et restituent ainsi l’exacte proportion de l’être vivant » (trad. 135 Les termes de visibilité « optimale » et « réelle » ne doivent pas masquer le fait que l’une et l’autre notions sont hypothétiques. Deux cas de figure sont dans ce cas envisageables. 174 Schäfer 1979, figure 8. Cet exercice requérait, forcément, certaines capacités du public. 94, pl. 79Il faut cependant convenir que, quelle que soit la hauteur attribuée aux terrasses, les faces SE et NO étaient plus aisément visibles que les autres faces et angles du fût. Stucchi 1989, p. 237-247, fait le point bibliographique mais est favorable à la version tant[is vir]ibus, dans le sens « [...] avec quelle énergie [...] ». 168 Piazzesi 1989, p. 135 figure 35, place les yeux des imagines à 14,20 m du sol, et Packer 1992b, p. 158 figure 1, à 14,75 m (voir fig. Bref, de l’équivalent d’un long bras invisible qui irait s’imbiber droit de la couleur et de la luminosité des choses pour les rapporter à notre âme84. Ornements de la Colonne Trajane. Le changement préconisé par l’architecte augustéen (le pluteum) a pour but de garantir la dignitas des activités internes au bâtiment et d’offir un lieu de promenade aux passants. 15Les stèles des ludi saeculares, hautes de trois mètres, étaient certes ornées de lettres minuscules ; le texte gravé n’en était pas moins reconnaissable. 59 Citée comme « fantaisiste, mais caractéristique » par Schuhl 1933, p. 30. 73L’observation des figures 36 à 38 montre qu’une terrasse de 15,10 m, certaine au moins sur le côté SE, répondrait de manière presque optimale aux impératifs de vision des reliefs. Voici le commentaire de Valette-Cagnac 1997, p. 18 : « Ce déchiffrement minimal, en grande partie facilité par la mémorisation des formules les plus usitées, devait suffire à la majorité des citoyens pour participer à la vie de la cité, sans qu’ils aient pour autant une parfaite maîtrise de l’écrit ». Ainsi, aux monnaies exaltant la Dacie conquise198, succédèrent des monnaies insistant sur la richesse de la nouvelle province199 : la Dacie tête nue – et en toge ? Froehner, W. 1865. Stucchi 1989, p. 254 figure 8, livre une reconstitution des terrasses à 14 m de hauteur. Tel est le programme que nous nous proposons de mener dans les deux chapitres à venir. Mais tous deux rédigent des ouvrages poétiques, et il semble que le détail du décor d’un ensemble architectural n’entrait pas, par exigence littéraire et de méthode, dans le cadre d’un ouvrage historique. Le modèle fut ensuite repris sur les forums impériaux (fig. Le dispositif architectural autour de la colonne Trajane est donc paradoxal. Cicéron, s’adressant à Atticus et lui expliquant le pourquoi de ces fenêtres étroites, se réfère à la théorie optique de l’émission de rayons par l’œil qui s’échappent aisément d’une fenêtre étroite, puisqu’ils ont, dans la pensée stoïcienne, la forme d’un cône. Sur le mons préexistant au Forum de Trajan entre Capitole et Quirinal, voir notre Deuxième Partie. Martin GALINIER, La colonne Trajane et les forums impériaux, Rome, École française J.C. scopas the-battle-of-the-greeks-and-the-amazons-from-the-mausoleum-of-halicarnassus-circa-350-bc. IIIc et Va ; face E, spire 14, sc. Drawing for "La Colonne Trajane" Depicts same location. L’opposition entre ces valeurs lumineuses et les ombres fut appelée tonos ; quant à la juxtaposition des couleurs et au passage de l’une à l’autre, on leur donna le nom d’harmogè (harmonisation)88. La colonne a contenu un temps les cendres de l’empereur Trajan mais sa tombe fut pillée. Elle est célèbre pour le bas-relief qui s'enroule en spirale autour de son fût et commémore la victoire de l'empereur Trajan sur les Daces lors des deux guerres daciques (101-102 et 105-106). Ce point est cependant mineur dans la théorie optique, ainsi que le précisera le quatrième point. Il s’agit de l’une des deux faces cardinales (fig. Ce point s’explique, selon Gérard Simon, par une propriété naturelle du rayon visuel : « [...] il est plus dense dans la direction du regard, dans l’axe du cône visuel, et moins à sa périphérie »117. La conséquence est identique : l’œuvre est sortie de son contexte et mise à disposition des spectateurs, dans des conditions qui n’existaient pas à l’origine4. Mémoire d’un rite religieux, réceptacle en cela de la pietas romaine, elles témoignaient de la précision scrupuleuse des rites par la précision scrupuleuse du texte gravé. IIa, spire 6-7 ; pl. Ils confirment l’existence de galeries à l’étage, sans pouvoir assurer avec exactitude leur fonction ni leur disposition. Au terme de ces calculs, il apparaît une nouvelle fois que le pessimisme des opposants à la vision à mi-hauteur doit être modéré. La spire 7 était alors aisément visible depuis les terrasses de la Basilica, situées à six mètres à peine, et supportait une hauteur de spire moins importante. 2. Autres références dans BMC Emp. 160 Je remercie la Dottoressa Lucrezia Ungaro qui a attiré mon attention sur le caractère surprenant, de son propre aveu, du dispositif de suspension de cet élément. Décrivant quelques épisodes-clés des opérations militaires, l’auteur anonyme de la vie de Marc Aurèle ne procédait pas, semble-til, au hasard : Cet ordre a priori bizarre des faits [commente R. Turcan] correspond à ce qu’on voit sur la colonne [de Marc Aurèle] quand on se tourne vers l’ouest, c’est-à-dire vers le temple de Marc Aurèle. Il faut donc essayer de comprendre : en quoi consistait la visibilité pour les Anciens. En soutenant que l’étroitesse de la place est destinée à rapprocher le spectateur antique de la frise, on exclut la possibilité d’ouverture du champ visuel et le souci d’axe du cône optique. 184 À ce sujet : Gros 1990a, p. 197 note 5.13.2. 39 et pl. Français : Moulage de la frise de la colonne Trajane, exposé au Museo della Civiltà Romana, Rome. Par contre, l’altitude est bien considérée comme une caractéristique essentielle du monument. En effet, si notre vision résultait du ‘choc des simulacres’, il est vrai que ceux-ci auraient du mal à franchir les espaces étroits. On peut cependant remarquer que la face NO, qui présente la Victoria Augusti (fig. Packer 1997a, p. 113 : « Originally, however, the Column stood in a narrow rectangular Corinthian peristyle [...] that allowed clear views of only the monumental base ». D’autres monuments trajaniens témoignent de cette pratique63. 34En dépit de divergences théoriques, les Anciens admettent que le mécanisme du regard consiste, non pas en une réception par l’œil de rayons lumineux79, mais : 35– soit en une réception par l’œil de « membranes » émises par la surface des objets. Elles figurent bien sûr sur la colonne Trajane, y compris la Pax Augusta, présente en filigrane des spires 12 à 15. « La ville de Paris a son grand mât tout de bronze, sculpté de Victoires, et pour vigie Napoléon ». Ce silence est d’autant plus regrettable que les descriptions du Forum d’Auguste et du temple d’Apollon Palatin par Properce et Ovide comportent de précieux renseignements quant au programme iconographique de ces ensembles54. Il sera temps ensuite de comparer ce tableau théorique aux reconstitutions archéologiques moins favorables. Ce type de narration n’implique nullement un ordre de lecture, par exemple un parcours d’espace débutant obligatoirement face SE et aboutissant face NO. Elle comprend : OpenEdition est un portail de ressources électroniques en sciences humaines et sociales. L’image était donc composée dans ce but précis, et on peut remarquer que la spire participe à l’identification, même si elle n’est pas l’élément le plus fréquent40. 38) à la base de la spire 12, légèrement au-dessus des 15,10 m de hauteur des terrasses envisagées par James Packer. Colonne Trajane Peuple Celte Empereur Romain. La colonne Trajane (en latin : Columna traiani ) a été érigée à Rome, sur le Forum de Trajan, face au au temple de Trajan en 113 après J.-C. sous le règne de l’empereur Trajan (98-117 après J.-C.). U ne frise de 200 mètres orne un pilier de marbre dressé à 40 mètres au-dessus du sol. À propos des artistes du XVe siècle et du seuil visuel qu’ils ne purent dépasser : Settis 1984-1986. La solution choisie présente le meilleur compromis théorique entre angle de vue et distance. A la base de la colonne, entourée de trophées d’armes, une petite porte mène à une chambre funéraire qui contenait les cendres de Trajan, mort en 117 après JC ainsi que de sa femme Plotine. 188 Settis 1991, p. 196-198. 180 En 78 avant J.-C. : Croisille 1985, p. 138 note 13.1. Face SO, pl. 100Conformément à ce conseil, le visage des portraits était dirigé vers le bas, vers le spectateur qui déambulait sur l’axe central du Forum. 47– « On voit mieux ce qui offre un spectacle franc que ce qui laisse pénétrer [les rayons visuels] de manière diffuse ». LVa, spire 9 ; pl. Stucchi 1989, p. 253-264, reprend cette reconstitution, de même que Settis 1985, p. 1165-1167 (= Settis 1988a, p. 202-204). Il semble cependant que les stoai supérieurs, conformément à la Périégèse, ne jouaient pas un rôle porteur et étaient uniquement destinées à favoriser la vision de la statue. Les processions parallèles de l’Ara Pacis, pour prendre un exemple romain, se prêtaient à une telle mise en couleur. III, p. 182 numéro 864 planche 32.9, ne se prononce pas. IXb, spire 14. Par rapport aux spires 1 à 6, la distance est identique mais l’angle est moins prononcé, donc la vision est, dans ce cas, plus favorable. Vision optimale. A. Ernout). 26 Le silence qui touche les inscriptions n’est cependant pas surprenant quand les Anciens, à l’exception de Pausanias, restent muets devant Zeus Olympien. Cette disposition se retrouve dans la littérature augustéenne, par exemple la description du temple de Mars Ultor par Ovide68construite autour des verbes de vision69et qui rend le parcours du regard du dieu. habetque intus gradus. Soit leur présence allait de soi (comme celle de la spire sur les monnaies ? Face NO, pl. Est en jeu, soit la position de l’observateur par rapport à l’objet observé, soit la position de l’objet observé par rapport au cône visuel de l’observateur. Voir également Meneghini 2002, p. 666. Mərmərdən olan Trayan sütunu həmdə iki böyük kitabxana arasında yerləşir:yunan və … fenestellas. La hauteur de cent pieds a en effet été reprise par les empereurs désireux d’égaler Trajan50. J.-M. Croisille). Il est révélateur que le premier complexe urbanistique élevé dans l’Urbs sur ce principe soit le théâtre de Pompée74. 30 La comparaison entre les Res Gestae d’Auguste et le « répertoire » des exploits de Trajan que constitue la frise nous paraît fondée : voir notre Chapitre Quatre à ce propos. Autrement dit : était-il possible de lire les deux cents mètres de frise dans leur totalité ?